« Il y a autant de pistes, pour envisager un développement harmonieux, inclusif et intégré », Kouigan Yawa

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Loquace, visionnaire et battante, elle a pris les rênes de la commune de l’Ogou 1 il y a de cela un an. Acquis, contraintes, opportunités, projets, défis et surtout perspectives, voilà le riche cocktail que nous sert madame le maire Kouigan Yawa dans cet entretien exclusif par votre site « Echos des communes ».

Savourez plutôt…

 

Bonjour madame le maire,  vous êtes une des femmes qui font la fierté du Togo, de par votre charisme et leadership. Dites-nous ce qui vous a motivé à entrer dans l’arène politique ?

Bonjour, d’abord merci pour vos mots aimables. Vous avez parlé de charisme et de leadership et ce sont des choses admirables. A la base, ce n’était pas ce qu’on a recherché. On a recherché juste l’accomplissement d’une mission et si la perception est celle de quelqu’un de charismatique, disons que c’est un bonus. Pour ce qui a pu me guider ou m’inciter à entrer en politique, je pense que c’est la vie de tous les jours. On a l’habitude, même dans nos vies quotidiennes à la maison, de réfléchir aux différentes circonstances et aux difficultés, et tout,…, donc ce n’est que cela qui porté à une échelle un peu plus large nous fait passer de la maison à la commune. C’est un intérêt pour l’humain, pour aller vers l’autre, comprendre quelles sont ses difficultés et mettre au service des résolutions avec lesquelles on a eu à être en contact, de part, notre expérience, nos réflexions, parce qu’ici et là, on a vu faire des choses qui ont marché et on veut les essayer chez nous aussi. Une chose en entrainant une autre, je crois que cela est venu comme çà.

Comment arrivez-vous à gérer votre quotidien à la maison et à la mairie ?

Je le prends comme un continuum…rires… Pour faire un jeu de mots, j’ai l’habitude de dire que je suis mère-maire. Sans vouloir faire de la réduction, dans l’absolu, c’est à peu près les mêmes choses ; à des échelles différentes, mais autant la mère s’attache à pourvoir aux besoins de ses enfants ou ce qui sont sous sa garde et vigilance, autant le maire a pour mission, et çà c’est un contrat social avec les électeurs, d’améliorer le quotidien, de travailler sur cadre de vie, les infrastructures, de travailler même sur la mentalité, les attitudes, les conceptions pour qu’entre deux élections, il y a des améliorations notables.

Selon vous, quelle place occupe aujourd’hui la femme togolaise dans la politique ?

Les statistiques sont là, mais pour le coup je vais parler comme une femme. Je crois que dans la politique togolaise, la femme n’a pas encore pris toute sa place. Pourquoi dis-je cela ? S’il y a plus de 51% de femmes au Togo, logiquement, la politique étant la gestion des affaires de la cité, on devrait avoir une même proportion de femme. Ce n’est malheureusement pas encore le cas, donc je crois que la place de la femme en politique au Togo est plutôt marginale et il convient de la conforter en faisant tout ce qu’il faut en terme de plaidoyer, d’engagement, de représentation de modèle pour qu’à terme, et je crois c’est le rêve de nous tous, que la scène politique soit à l’image de la société.

Parmi les pesanteurs évoquées à cet état de fait, la phallocratie, qu’en pensez-vous ?

Rires… Je vous assure qu’il n’y a aucun phallocrate qui se déclare comme tel. Plus sérieusement, vous savez, mon point de vue est un peu différent. Par principe, ma nature fait que je sors des sentiers de la victimisation. Moi je ne vois pas de la phallocratie. La nature ayant horreur du vide, la phallocratie s’installe un peu, parce qu’en face, il n’y a aucune autre force pour contrebalancer. Je ne vois pas 51% des femmes essayant vainement de faire entendre leur cause, si toutes parlent de la même voix. Si à un moment on a l’impression que le cliché, c’est celui de la phallocratie, c’est peut-être qu’il y a juste un, deux, trois ou 10% des femmes qui parlent, et donc, tout ce vacuum-là est meublé par les hommes parce qu’il faut bien que les choses se passent.

 Quel bilan pouvez-vous dressez après un an d’exercice ?

En parlant spécifiquement de notre commune un an après les élections,  je crois qu’il y a un bilan qui se tienne, quoique je vous avoue que je n’aime pas trop parler en termes de bilan, parce que nous avons été élus pour un mandat de six ans. Je me demande si ce n’est pas un peu prématuré de dresser un bilan de la chose, mais c’est intéressant de faire cet exercice en considérant le contexte même des élections qui ont ouvert la voie à cette nouvelle vie de la décentralisation au Togo, en intervenant plusieurs années après les précédentes, ce qu’on a capitaliser, je crois que c’est cette ferme volonté des autorités politiques, de faire de la décentralisation une réalité. C’est cela qui nous a doté de ces 117 communes qui ont à leur tête des conseils municipaux élus. C’est un acquis majeur et à partir de là, 117 unités qui sont créées et qui vont à leur rythme s’organiser pour faire fonctionner le conseil municipal, faire marcher l’administration, pour mobiliser la participation citoyenne. Il y a mille et une choses à faire mais tout cela démarre dans la proportion de 1/6 mais en comptant que depuis 4 mois, on se bat contre un étrange virus qui ne nous rend pas la vie facile.

 

Quels sont à votre sens, les atouts dont dispose votre commune pour se développer ?

Atakpamé est une ville carrefour, à partir de là il y a beaucoup de choses à faire en termes de développement du commerce. A chaque fois que les gens vont et  viennent, ils ont l’habitude de commercer, et çà c’est un fait social inéluctable. Atakpamé est aussi une ville historique et de ce côté, je crois qu’il y a plusieurs pistes à explorer sur le fait de développer une véritable offre touristique et historique, de la coupler avec l’incroyable richesse culturelle de ce milieu pour faire émerger un véritable nom. La commune à la faveur de la décentralisation, a vu son ressort territorial élargi à des zones péri-urbaines et rurales et qui pour le coup constituent de gros foyers d’agriculture, de pisciculture, d’élevage. Il y a autant de pistes, pour envisager un développement harmonieux, inclusif et intégré. Tout cela constitue la mine sur laquelle nous sommes assis et qui nous appartient d’aller creuser pour en ressortir les gemmes qui vont faire briller la localité.

 

Un plan de développement communal ?

Notre PDC qui sera bientôt actualisé en fonction des nouvelles réalités territoriale de l’Ogou 1, est organisé autour de quatre (04) axes majoritaires. Le premier s’articule autour de la promotion d’une gouvernance locale participative orientée vers la satisfaction des citoyens, le second, la promotion d’une économie locale dynamique, résiliente et inclusive, axée sur les secteurs porteurs et pourvoyeurs d’emplois car nous croyons que c’est là que se trouve le déclic et le PDC est arrimé au PND qui ambitionne la création d’emplois décents dans une perspective massive parce que c’est là que nous allons pouvoir agir sur notre ennemi éternel qui est la pauvreté et envisager ce que nous visons en terme de croissance. Le troisième axe c’est la promotion d’une planification urbaine harmonieuse et respectueuse de l’environnement pour un habitat décent, parce que c’est une problématique qui concerne tout le monde et qui concerne notre responsabilité vis-à-vis des générations qui viennent. Le quatrième axe vise le développement des systèmes innovants, inclusifs et résilients de fournitures des services sociaux de base. Si vous posez la question de façon basique à nos administrés, c’est ce qu’ils attendent, ils veulent que le cadre de vie s’améliore. C’est autour de ces quatre grands axes que le document est construit. L’idée est d’avoir une approche holistique qui nous permette tout en définissant des priorités, d’embrasser tout ce qui peut être la problématique de la condition humaine dans son milieu, dans sa capacité à faire des AGR, dans son aspiration à vivre dans un milieu décent, avoir à sa disposition le minimum social vital.

 

Des contraintes et pesanteurs ?

Oui fatalement, je crois que le créateur a fait la nature ainsi, toute face à son revers. Pour moi et c’est essentiel, en matière de faiblesse, je dirai que le facteur humain a été beaucoup négligé ici. On a beau concevoir des plans bien structurés, si nous n’arrivons pas à créer chez tous ceux qui doivent  contribuer ce déclic qui fasse que chacun se vive comme une part de l’aventure, on ne va pas y arriver. Malheureusement, on n’en est pas encore là. Pour avoir échangé en plusieurs occasions avec plusieurs personnes, on a beaucoup de chemins. Il m’est même revenu à titre d’anecdote qu’à plusieurs des rencontres que j’ai eues avec les CDV/CDQ ou le chef canton, les syndicats,…, qu’ils ont pris l’habitude de piquer la partie où j’ai l’habitude de dire  « Ecoutez on est entre nous, disons-nous la vérité, si nous ne sommes pas aussi développer que nous volons, c’est parce que nous y avons contribué pour beaucoup ».  Il y a dans toute sociologie des scories dont il faut se débarrasser. C’est vrai il y a un caractère type, des mœurs d’intransigeances qui ne développent. J’invite les uns et les autres à chaque fois que je le peux à lever la tête et regarder le nouveau contexte. Il est possible qu’à un moment donné que ces attitudes soient légitimement nées d’une certaine situation. Mais ce que je refuse, c’est que cela perdure aujourd’hui que les choses sont appelées à changer. Je le répète souvent, nous avons de grands rêves, de belles aspirations, mais qui que nous soyons, nous ne pouvons jamais arriver seuls. Moi je ne pourrai rien faire à Atakpamé si tous les administrés de cette belle commune ne s’y mettent pas. Sur les 100 000 habitants, tant qu’il y aura, même si c’est 05 qui ne veulent pas, il y aura toujours une poche là-bas à aller creuser. L’une des faiblesses majeures est cette inadéquation entre le rythme que nous voulons imprimer au développement et la perception des pouvoirs publics, la gestion de l’autorité, le degré d’engagement même des gens et çà c’est un aspect sur lequel on doit travailler dans le PDC ; les gens ne se sentent pas impliquées, pour des raisons qui peuvent être légitimes, mais maintenant que nous nous sommes un conseil municipal, que nous voulons faire des choses et que nous avons besoin d’eux, ce que j’attends est que chacun s’inscrive dans la nouvelle démarche et se dise « pourquoi ne pas donner une chance à la commune ? ». Pour ça, il va falloir travailler beaucoup. S’il faut également parler de contraintes, nous avons un relief luxuriant, j’ai l’habitude de dire qu’Atakpamé est le plus bel endroit au monde, mais la géographie vous impose une autre conception du développement que vous voulez si vous avez un terrain tout plat sans aspérités. Ici il faut composer avec des montagnes, un sol très rocheux, une érosion très particulière, un climat particulier parce qu’à certains moments, il pleut des cordes,…, tout çà ce sont des choses à prendre en considération.

 

 

Des difficultés ?

Moi je suis nouvellement venue mais je sais ce que je veux. Pour y aller il faut forcément des choix. C’est diversement perçu mais ce n’’est pas le genre de chose qui m’arrête. Il faut qu’on avance et donc on fera ce qu’il faut.

 

 

La question du foncier est une préoccupation pour les élus locaux. Il parait que le Togo n’a plus de réserves administratives ni de domaines publics. Quel est l’état des lieux ici dans l’Ogou 1 ?

Je vous félicite pour ce diagnostic très rapide et clairvoyant. Même si vous le faites de l’extérieur, c’est exactement çà. C’est quelque chose qui est très difficile et dont je parle toujours en hésitant parce que j’ai prévu de confier à un tiers, et c’est un marché » qu’on va lancer incessamment, de faire l’état des lieux de la situation patrimonial de la commune. Pourquoi ? Parce qu’en arrivant, jai hérité d’un certain nombre de choses dont une documentation parcellaire très insuffisante pour me rendre compte de la situation réelle. Demandons à quelqu’un qui a un regard extérieur, de venir voir et de parcourir les choses aussi. Donc c’est ce qu’il va falloir faire parce que malheureusement, les pratiques n’ont pas été des plus propices à une projection de développement comme cela se doit. J’hésite à porter un doigt accusateur, mais il y a beaucoup de choses qui auraient pu être mieux faites.

 

 

L’ambiance au conseil municipal ?

Au conseil municipal, ça va plutôt bien, mais il faut reconnaitre que nous sommes la première génération de cette nouvelle décentralisation avec des conseils élus, donc il y a matière pour les uns et les autres à se former eux-mêmes ou à passer par des canaux de formation qui vont viser la clarification des rôles des uns et des autres pour que les choses soient mieux comprises, et qu’au sein du conseil, il y ait plus un certain ressenti désagréable. Lemaire administre tous les jours, rend compte et prend autorisation du conseil au besoin, mais tout cela est normal dans relations interhumaines, et en faisant de la formation, de la pédagogie  ou en s’expliquant ça va y aller.

 

Un mot de fin ?

Je demanderai à tous vos lecteurs de vous suivre dans votre démarche de mettre en lumière la vie des communes, je crois que c’est important ce nouveau paradigme du développement qui est le plus logique et le plus pertinent à mon sens, qui fait qu’on part de la base. Quand on s’intéresse à la vie des communes, on s’intéresse à la vie de tous les togolais et c’est important, intéressant et porteur de prendre la chose par ce prisme là et je les invite à contribuer à la décentralisation à la fois par des lectures critiques qu’ils feront, mais aussi des suggestions, en maintenant ce canal qui est véritablement un véritable rapprochement de qualité entre les pouvoirs publics et les administrés. Pour nos administrés, la décentralisation est là, il faut l’accepter, qu’elle constitue un changement

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